Il est de longue date, coutume de dire, en français : « traduire c’est trahir ». Cet adage qui fait rage dans le domaine de l’écriture, et de la traduction, est fort utile à qui s’intéresse au pouvoir et à l’impact des mots, paroles et écrits. La psycho- et sociolinguistique, d’une part, mettant le lecteur en position d’observateur, et la programmation neuro-lingusitique (P.N.L.) d’autre part, le mettant en position d’acteur, nous mènent nécessairement (du moins le philologue), par la quête de sens et d’essence des mots, à ce terrible constat : la traduction est une œuvre mensongère. D’un point de vue formel, il est utile de prêter attention à l’origine même de cette formule consacrée, en effet « traduire, c’est trahir » est déjà une traduction. L’origine italienne de cette expression recourt elle aussi, et de manière plus manifeste encore à la paronomase, mais avec une allitération en « t », qui la rend, à mon oreille tout du moins, plus incisive et percutante : « traduttore, traditore », cela signifie littéralement : « traducteur, traître ». On constate qu’au-delà d’une sonorité marquante, cette expression en italien (j’hésitais à écrire « italienne », mais je ne sais pas si une phrase est « italienne » quand bien même elle est rédigée en italien…) concerne, non pas la traduction, mais bien le traducteur. La version française « traduire, c’est trahir », quant à elle met de côté le traducteur, et donc le créateur, le générateur de la traduction, mais dénonce cette dernière, à savoir le résultat. En ce sens, c’est le produit et l’effet de l’action qui est incriminé, aucunement l’agent. Or, l’effet d’une action est par essence neutre, ni bon ni mauvais, ce qui peut être jugé ou tout du moins examiné comme tel n’est que l’acteur, en l’occurrence, le traducteur, dont l’intention est à questionner sincèrement. J’ai très tôt ressenti une plus grande confiance dans mes lectures dès lors qu’elles se faisaient en langue originale, tout comme pour le visionnage d’œuvres cinématographiques. À l’inverse je me sens dans un plus ou moins grand inconfort lorsque je reçois une information dans une autre langue que l’originale / originelle, j’en doute plus encore. Car, lorsque je lis, lorsque je suis spectatrice d’une œuvre, j’aime (et dans tous les autres domaines de la vie d’ailleurs), n’avoir aucun intermédiaire ou alors le moins possible entre le créateur et ma réception sensorielle. En effet, sachant que mes sens peuvent me trahir, sachant que mon intellect peut également me trahir, doutant scrupuleusement de tout et avec méthode, lorsque je me trouve volontairement en position de destinataire d’une information, j’aime qu’elle soit la plus authentique possible (je précise ici que la traduction parfois verbale d’une action non verbale est également un acte de trahison, d’autant plus si le traducteur n’est pas l’acteur de l’action non verbale ainsi traduite). Aussi, ayant connaissance des travers de la technologie, quelle qu’elle soit, dès lors qu’elle est utilisée comme medium de communication (l’écriture, la photo-vidéographie, les instruments de musique, la pensée…), j’essaye de n’accorder mon attention qu’à ce que je considère être le plus authentique possible dans l’intention et donc dans la démarche. Il s’agit dans ce choix, non seulement de s’épargner une perte de temps-énergie, au sens ordinaire, mais également et surtout, de ne pas se laisser influencer inconsciemment par quelque chose que l’on sait, ou pressent, finalement nocif. Tout vivre en pleine conscience, à chaque instant requiert certes une dépense énergétique, mais dès lors que cela vise à se nourrir de quelque chose qui accroît et fait du bien, la somme finale est un gain d’énergie et donc de temps ! J’étais inconsciemment méfiante vis-à-vis des traductions, aujourd’hui je le suis en conscience. J’en veux pour preuve cet adage : « traduire, c’est trahir ». Cette phrase, comme je l’ai mentionné plus haut, pointe du doigt et critique l’action de traduire. Or cette phrase est la traduction d’une phrase qui en italien signifie littéralement « traducteur, traître », où est pointée du doigt cette fois, non pas l’action de traduire, mais celui qui décide de traduire, sachant ou non qu’il est de facto traître au texte original. L’idée derrière les mots n’est vraiment pas la même, l’intention non plus et l’effet finalement, différent. Concrètement, avant de connaître la version italienne de cette expression, je ne me méfiais pas tant de la traduction (même si, durant mes études littéraires et linguistiques je n’ai jamais vraiment eu d’intérêt aux exercices de thème et version), cela peut expliquer pourquoi j’ai toujours rêvé d’être polyglotte et que j’aie étudié plusieurs langues, et découvert en même temps différentes cultures, territoires et manières de penser. Mon objectif, lorsque j’usais les sièges des amphithéâtres de l’INALCO, lorsque je m’efforce de parler dans la langue maternelle de mon interlocuteur, lorsque je la connais et la maîtrise un minimum, ce n’est pas par érudition ou par volonté de pouvoir, mais bien pour accéder au cœur d’une pensée, la plus authentique possible. Toutefois, j’évitais au maximum la lecture ou le visionnage d’œuvres traduites, mais, de par ma pratique fréquente et rigoureuse de l’exégèse, notamment eschatologique, il me semblait évident que même sans l’intention de trahir, le traducteur était traître au texte originel, et que profitant de ce postulat essentiel inhérent à la traduction, des traîtres conscients de leur intention, peuvent sans éveiller de soupçons, détourner le sens du texte et donc l’intention première de son auteur à un lectorat non avisé. C’est par ce passage au crible, guidé par mon scepticisme et ma conscience de la perversion de la traduction, que j’accueille une information. Évidemment tout cela prend un sens particulier et tout à la fois politique et donc social dès lors que les textes, ou les informations que je décide d’accueillir ou non concernent ou traitent de l’organisation de la cité. Bien que j’aie fait le choix de l’érémitisme et du désert politique, la polis n’est jamais bien loin et il est difficile d’échapper à la « novlangue » chaque jour agrémentée, dans laquelle nous sommes consciemment ou non baignés afin d’entrer dans cet état ultra-malléable de dissonance cognitive, menant à un relativisme nihiliste de la pensée propre, rendant ainsi débiles les individus et a fortiori le groupe, qui se trouve à la merci de la « raison du plus fort ». Je prendrai le temps de développer ma vision de l’anarchie dans un article à venir, mais en attendant, je ne peux m’empêcher de dire que c’est la solution à de nombreux problèmes, notamment en matière de domination, et la voie royale vers la liberté (par essence) inconditionnelle (ce que je recherche individuellement, il semble, et cela me dépasse qu’il y ait des personnes, qui, en conscience ne recherchent pas la liberté, mais je n’ai pas à juger cela !). En vous souhaitant un merveilleux Chemin, que la Paix soit sur vous, حبيبة
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